L'éditeur du prochain Tomb Raider a fait une déclaration qui ne passe pas du tout et met beaucoup de monde en colère. Ce n'est pas hyper rassurant pour la suite.
Dans la famille « j’aurais dû tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler », je voudrais le directeur d’Amazon Games, Christoph Hartmann. L’éditeur du prochain Tomb Raider a eu la mauvaise idée de parler un peu trop vite et s’est attiré les foudres des joueurs, mais pas seulement. En cause, l’utilisation de l’IA et une vision très étriquée du travail abattu par certains artistes, qui a valu à ce cher Hartmann un déluge de critiques suite à une déclaration que l’on va qualifier ici de très maladroite.
Amazon met le paquet sur les jeux vidéo depuis quelques années et sa branche spécialisée ne cesse de mettre les bouchées doubles. Comme tous les mastodontes fraîchement lancés dans la course, il y a eu de la casse. Beaucoup de projets ont été abandonnés, mais d’un autre côté, de nombreux autres ont vu le jour. Qu’ils soient développés en interne, comme New World Aeternum, ou en externe puis édités par la maison, comme le prochain Tomb Raider, Amazon a une stratégie bien à lui qui, d’un point de vue extérieur, semble très brute : ça passe ou ça casse, un peu comme ce qu'il se passe lorsque le patron de la branche, Christoph Hartmann, prend la parole.
Amazon Games et l'IA, une future histoire d'amour ?
Dans une récente interview pour nos confrères d’IGN, et après avoir encensé le prochain Tomb Raider en nous donnant d’excellentes nouvelles à son sujet, l’homme a donné son avis concernant l’utilisation de l’IA dans le développement des jeux vidéo. Selon lui, cela permettrait de soulager les travaux longs et de gagner ainsi en rapidité et donc en rentabilité à l’arrivée. « Le développement des jeux prend beaucoup trop de temps, environ cinq ans par jeu […] Idéalement, si nous pouvons réduire ce délai à trois ans, cela permettrait d’en faire davantage et de réduire un peu les budgets. Je ne pense pas que cela va vraiment devenir moins cher, mais au moins, on échouerait plus vite et on pourrait recommencer encore et encore jusqu'à trouver la bonne solution. »
Moins de ressources utilisées, des économies et potentiellement moins de fatigue pour les développeurs… pourquoi pas. Sauf que l’IA, elle débute, mais on commence à la connaître. Les joueurs savent ce qu’il se passe et les professionnels, eux, sont assez réticents. La position du grand patron d'Amazon Games sur l'IA soulève beaucoup de questions concernant le développement des jeux produit par la maison. Mais aussi partout où la firme est impliquée, notamment sur le prochain Tomb Raider. Oui, il est développé par Crystal Dynamics et oui, c’est Embracer, un autre titan, qui possède les droits.
Mais l’étroite collaboration avec Amazon Games (Amazon tout court en fait puisqu'une série Tomb Raider est en préparation avec d'autres projets) pour développer la franchise a de quoi faire froid dans le dos lorsque l’on entend ce genre de commentaire de la part du grand patron. Est-ce que l’on se dirige vers un Tomb Raider dont une partie du développement serait « soulagée » par l’IA ? Quelles tâches seraient allouées à cette IA d’ailleurs ? On a une réponse et ça ne plait pas.
Un dérapage qui ne passe pas du tout
Christoph Hartmann a été interrogé sur la récente grève des artistes qui a frappé toute l’industrie très récemment. Ces derniers tentant justement de protéger leur travail face à l’explosion de l’IA. Au début, ça commence plutôt bien puisque Hartmann affirme ne pas vouloir envenimer les choses : « Je dois faire attention à tout ce qui se passe parce que nous sommes une grande entreprise et devons traiter avec toutes ces organisations [le syndicat SAG-AFTRA qui a appelé à la grève en l'occurrence]. » Mieux encore, pour lui, « l’IA pourrait permettre d’avoir de nouvelles idées de gameplay » et donc cela n’aurait « rien à voir avec le fait de retirer du travail à qui que ce soit. » Jusqu’ici tout va bien. Il est vrai que l’IA peut être utile pour soulager les tâches redondantes. Peut-être même qu’en tant qu’assistant virtuel, elle peut aider à la réflexion, pourquoi pas.
Mais c’est lorsqu’il conclut sa phrase que Hartmann dérape. « Et surtout pour les jeux, nous n'avons pas vraiment de jeu d'acteur… La majorité de l'équipe se consacre à la programmation et cela ne va pas disparaître parce que c'est une question d'innovation. » C’est dit. Visiblement, les actrices et acteurs qui prêtent leur voix aux personnages qui s’animent à l'écran ne font pas vraiment partie de l’équation. En tout cas, pas trop. Pourtant, des jeux comme Tomb Raider, The Witcher 3 ou encore The Last of Us 2, dont les personnages sont au cœur de l’expérience, prouvent le contraire.
De l'IA pour remplacer les acteurs voix ?
Christoph Hartmann ne s’arrête pas en si bon chemin et appuie sur le fait que l’IA pourrait carrément aider sur les parties qu’il qualifie « d’ennuyeuses » comme la localisation (le doublage dans d'autres langues)… « Si l’IA peut faire quelque chose, ce sera vraiment les parties ennuyeuses. Je pense que ce qui pourrait être très utile, c'est la localisation, par exemple. En ce moment, nous localisons notre jeu dans un certain nombre de langues. En gros, est-ce que cela a du sens commercialement de l'avoir dans certaines langue, oui ou non ? Avoir une IA nous aidera vraiment. » « Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui créera plus d'emplois que d'emplois supprimés. La technologie a toujours fait ça », termine-t-il.
Les réactions ne se sont pas fait attendre
Une déclaration qui a de quoi faire froid dans le dos. Ca fait surtout mal à entendre à l’heure où les actrices et acteurs se battent pour faire valoir leurs droits. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux ont réagi sur les réseaux sociaux, notamment Allegra Clark, actrice que l’on a déjà entendue dans plusieurs gros jeux tels que Persona 3 Reload, Dragon Age Inquisition ou encore Genshin Impact. Elle a aussi travaillé avec Amazon Games sur plusieurs jeux de la firme, tout comme Kyle McCarley, lui aussi un acteur vétéran dans le milieu. Tous deux, et beaucoup d’autres, saluent les équipes avec lesquelles ils ont pu travailler chez Amazon, mais déplorent le manque de considération du grand patron.
Un Tomb Raider avec une Lara sous IA ? Ce n'est pas pour tout de suite, heureusement
Christoph Hartmann précise que pour lui l’idée serait de proposer tout « un tas de localisations » grâce à l’IA, de manière à toucher un plus large public. Mais on a du mal à imaginer la chose, que ce soit pour un Tomb Raider ou tout autre jeu dont le ou la protagoniste est au centre de tout. Il est difficilement concevable de se passer de la composante humaine lors de l’écriture et de l’interprétation du personnage. Une Lara (Tomb Raider), une Ellie (The Last of Us), un Kratos (God of War) ou même une Senua (Hellblade) ne peuvent pas vraiment se passer de leurs actrices et acteurs, peu importe la localisation.
Toutefois, Hartmann se montre un peu rassurant : « Je ne crois pas qu'une technologie puisse remplacer la créativité humaine et son caractère unique… Il y a toujours quelque chose de spécial. Les humains auront toujours une longueur d'avance sur l’IA, même si elle pourrait s'en approcher de très près. […] Mais je ne pense pas qu'elle serait capable de transformer ces choses uniques en idées nouvelles. » Encore heureux. Mais le fait est que l’IA prend de plus en plus de place dans bien des secteurs. Et bien qu’elle soit très utile pour beaucoup de choses, elle s’apparente pour le moment à une solution de facilité peu coûteuse. Tant pis si, au passage, ça détruit le travail de milliers de personnes. Reste à voir comment tout cela évoluera avec le temps.
Source : IGN, X